Eaux-fortes et burins



La gravure en relief se crée à partir de toute surface qui peut être creusée. Les gravures exposées ici ont été effectuées à partir d’un métal : le cuivre.

Deux moyens sont utilisés ici principalement : l’eau-forte et le burin.

Tout d’abord, l’artiste enduit la plaque d’un vernis qui la protègera de l’acide dans lequel il plonge ensuite la plaque. Cet acide attaque la plaque aux endroits désirés. Le terme d’eau-forte (aqua forte) par lequel on désigne ce genre de gravure était le nom traditionnel de l’acide. Lorsque la plaque est prête, elle est encrée. Elle passe ensuite sous la presse et plusieurs épreuves à tirage limité sont ainsi réalisées.

L’autre technique employée est le burin. C’est le nom de l’instrument utilisé pour graver la plaque. Le dessin est alors directement et irréversiblement gravé sur la plaque. Cette technique est très lente et ne souffre aucun repentir. Les épreuves d’un œuvre gravée au burin son généralement tirées en noir.





Marie-Noëlle de Rohozinska



Marie-Noëlle de Rohozinska est peintre et graveur. Elle a longtemps travaillé à l'Atelier 17 qui fut créé à Montparnasse par Stanley William Hayter, aujourd'hui décédé. Elle a exposé aux Etat-Unis et expose régulièrement au Salon de mai à Paris. Née au coeur du XXe siècle, elle accomplit quotidiennement certains des gestes qu'accomplissaient Mantegna, Dürer et Rembrandt.

Chaque matin, elle retrouve sur sa table une fine plaque de métal doré qu'elle maintient entre les doigts de sa main gauche. Sa main droite épouse le manche en bois clair arrondi du burin dont la lame trace implacablement ses sillons dans le cuivre. Avec un tissu, elle imprègne le métal tantôt d'encre noire tantôt d'un chatoiement de couleurs. Puis elle fait tourner l'immense roue noire de sa presse : la plaque s'imprime sur le papier. Non seulement le tracé du burin est un geste ancestral, mais c'est aussi un acte incorrigible.

Dans la gravure de Marie-Noëlle de Rohozinska, la subtilité de la texture célèbre la fragilité des choses et la précarité des oeuvres humaines : des pétales d'une fleur de tournesol, des murailles d'une cité, d'une tasse de café, du bois sculpté par un luthier. Voici justement un échantillon des effilades que son burin a déposées dans le cuivre.

Après avoir travaillé une sonate de Haendel, son flûtiste reprend son souffle. Pianiste elle-même, elle se prépare à accompagner au piano son violoncelliste dans une sonate de Beethoven. Il y a un mois, j'ai entendu un soir sa cantatrice à Covent Garden et ses musiciens d'orchestre sont en train d'interpréter la troisième symphonie de Mahler.

Dans ces oeuvres rayonnent à la fois l'art du luthier et l'art du musicien. Pour qui n'est pas graveur, ces oeuvres soulèvent au moins deux énigmes : comment le contact répété de la pointe acérée sur le métal doré guidée par sa main produit-il ces textures noires et moirées? Comment l'artiste sait-elle que le réseau de sillons qu'elle a longuement inscrits en haut à gauche dans la plaque cuivrée engendreront d'un seul coup cette texture intensément noire en haut à droite de l'oeuvre gravée?

Pierre Jacob,

Directeur de recherche au CNRS

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